Le rejet du recours en rabat d’arrêt introduit par les avocats d’Ousmane Sonko a suscité une vague de réactions et d’interprétations. Mais pour le professeur Mounirou Sy, maître de conférences à l’Université Iba Der Thiam et président de l’Alliance pour une Dynamique Nouvelle (ADN), une chose est claire : « Monsieur Ousmane Sonko est et demeure éligible nonobstant le rejet du rabat d’arrêt. »
Dans une contribution transmise à la presse, l’universitaire est revenu en détail sur les implications juridiques de cette décision de la Cour suprême, rendue le mardi 1er juillet 2025. « Le ciel nuageux du Sénégal ce mardi s’est dissipé avec l’arrêt rendu par la Cour suprême », écrit-il en guise d’introduction.
Pour éclairer l’opinion, le professeur Sy retrace l’historique de l’affaire. « En premier ressort, le juge avait condamné M. Ousmane Sonko à 2 mois avec sursis et 200 millions de dommages et intérêts pour diffamation », rappelle-t-il. Insatisfait, Mame Mbaye Niang avait fait appel. « La Cour d’appel a alourdi la peine à 6 mois avec sursis, réitérant les 200 millions et ajoutant une contrainte par corps. » Mais, poursuit l’universitaire, « la défense du condamné s’est pourvue en cassation pour annuler ce verdict. »
La Cour suprême, dans sa réponse, a validé la décision de la Cour d’appel mais sans la contrainte par corps. Pour justifier cette exclusion, elle a avancé que « la diffamation en soi est une infraction politique ». Cette qualification est, selon le professeur Sy, d’une importance capitale : « C’est la Cour suprême elle-même qui a qualifié la diffamation d’infraction politique », insiste-t-il.
Pour ce spécialiste du droit, cela change toute la lecture. En effet, « la loi d’amnistie de 2024 a effacé toutes les infractions de nature politique commises entre 2021 et 2024 », rappelle-t-il. Par conséquent, « l’action publique était de facto éteinte ». Dès lors, « prétendre que M. Sonko est redevenu inéligible, c’est méconnaître totalement le droit positif sénégalais ».
Le professeur Sy s’interroge même : « On pouvait se demander quel était l’objectif visé par le recours en rabat d’arrêt, puisque les droits politiques de l’intéressé étaient déjà rétablis ? » Il rappelle que « c’est pour cette raison qu’il a pu être candidat et élu lors des dernières législatives ».
Mais pourquoi alors déposer un rabat d’arrêt ? « Si le rabat avait abouti avec infirmation de la décision de la Cour d’appel, le versement des 200 millions aurait été annulé », analyse-t-il. Il avance alors une hypothèse : « Cela peut être vu comme le soubassement et une raison d’une telle requête. »
Car, en dépit de la loi d’amnistie, « la sanction pécuniaire, elle, demeure ». En effet, « la loi d’amnistie prévoit que même si toutes les infractions sont effacées, elle ne peut porter préjudice aux droits des tiers », explique-t-il. Autrement dit, « l’action civile continue, et M. Sonko est toujours sous la condamnation du paiement des 200 millions ».
C’est pourquoi, conclut-il, « l’effet attendu par les requérants était plus l’effacement des dommages et intérêts que l’annulation de la condamnation pénale ». En tout état de cause, « Monsieur Ousmane Sonko est réintégré dans le fichier électoral » et « reste éligible sans nul doute ».
À la lumière de cette analyse, le professeur Sy souligne : « La nature et la temporalité de l’infraction rentrent dans le champ d’application de la loi portant amnistie », ce qui signifie que « Ousmane Sonko peut bel et bien se présenter à toute élection future, qu’elle soit locale ou nationale ».
L’universitaire n’en reste pas là. Il lance un appel à la classe politique : « On combat un adversaire politique sur le terrain politique et non dans le champ judiciaire », martèle-t-il. Tout en appelant les leaders à la responsabilité, il insiste sur la nécessité de respecter les institutions : « Tout acteur politique, qu’il soit au pouvoir ou à l’opposition, doit honorer les membres de la Cour suprême, de la Cour des Comptes et du Conseil constitutionnel ».
Car ces institutions, « suppléées par les forces de défense et de sécurité, sont les garants de notre État de droit et de notre démocratie », affirme-t-il avec force. Et de rappeler : « Ils ne rendent pas la justice en leur nom, mais au nom du Peuple, seul détenteur de la souveraineté et donateur de légitimité ».