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Élèves exclus du Baccalauréat à Kaolack : Pourquoi la décision est excessive

Il ne suffit pas toujours d’une loi pour justifier la légalité d’un acte, encore moins sa légitimité. Depuis une dizaine d’années, il est connu de tous que le port du téléphone dans les centres d’examens est interdit au Sénégal. Et sur le verso des convocations qu’ils reçoivent, les candidats sont avertis du caractère prohibitif de certains comportements pendant la durée des épreuves. Pour autant, l’exclusion d’une soixantaine de candidats au bac 2024 à Kaolack frise l’excès de zèle et une mauvaise interprétation des textes.

Parmi les flops qu’on retiendra de l’examen en cours, figurera en bonne place la décision radicale du président du jury 1506 du Nouveau Lycée de Kaolack, consistant à exclure des candidats pour port de téléphones à l’école. Le « butin de guerre » exposé à la curiosité des caméras laisse apparaître des smartphones et des téléphones basiques que des candidats ont dû certainement amener pour se prémunir de toute accusation de fraude. Et mal leur en a pris puisqu’ils ont tout bonnement été exclus non seulement de l’épreuve mais de l’examen tout entier, avec à la clé une future convocation du Conseil de discipline de l’Université de Dakar.

Si l’on continue de croire que la décision porte la marque d’un excès de zèle, ce n’est sûrement pas par rapport à la légalité de l’acte du président du jury qui a voulu suivre les textes à la lettre. Pourtant, ce sont les hommes qui font les lois et, en tant que tels, ils doivent humaniser leur application. En vérité, les élèves exclus ont été fautifs d’apporter leurs appareils, mais on ne peut pas présumer qu’ils ont triché pendant l’examen. La violation des textes de l’Office du Bac se limite ici à l’introduction du téléphone dans le centre, faute pour laquelle la sanction se justifie bien.

Cependant, il y avait bien lieu de régler le problème autrement. On ne peut pas croire que sur l’étendue du territoire ce soit le seul jury où des téléphones ont été introduits dans les salles d’examen. D’autres, préférant humaniser l’application des dispositions légales, auraient simplement préféré récupérer les gadgets le temps du déroulement des épreuves et les remettre à leurs propriétaires à la fin de l’examen avec un ultime rappel. Cela s’appelle « donner une deuxième chance », et nous en avons tous eu besoin à un moment de notre parcours éducatif ou professionnel.

La preuve que les textes ne peuvent pas toujours être appliqués dans leur rigueur s’offre à nous dans la vie de tous les jours. Dans les salles d’audience, il arrive régulièrement que les avocats sollicitent et obtiennent pour leurs clients qu’ils savent fautifs « la clémence » du juge ou « l’application bienveillante » de la loi. Ceci s’imposait pour le cas des élèves de Kaolack pour lesquels le flagrant délit de tricherie n’est pas établi. Des téléphones éteints et dans les sacs, il ne pouvait même pas y avoir de présomption de tricherie.

Qu’à cela ne tienne, le code pénal même est froissé dans ce cas précis. « Nul crime, nul délit, nulle contravention ne peuvent être punis de peines qui n’étaient pas prévues par la loi ou le règlement avant qu’ils fussent commis », nous rappelle le texte en question. À la lumière de ce passage, il y a forcément lieu de revoir les textes de l’Office du Baccalauréat sur le port des téléphones qui n’est pas un phénomène nouveau et qu’il ne faut pas encourager. Mais des dispositions doivent être prises pour sortir du caractère systématiquement répressif d’un tel acte.

Dans les concours nationaux d’où sortent les fonctionnaires du pays, il faut le rappeler, le téléphone n’est pas interdit mais sa présence dans les salles est réglementée. Les surveillants prennent juste la peine de rappeler aux candidats de l’éteindre pendant la durée de l’épreuve. S’ils étaient aussi zélés, beaucoup de cadres de ce pays n’auraient pas été là où ils sont pour appliquer les dispositions des lois dans leur rigueur. Humaniser les textes, c’est tout ce à quoi il faut parvenir pour éviter de faire perdre trois années de préparation des élèves sur un coup de tête.

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